Autrefois considérée comme l’outil d’expression le plus immédiat et le plus authentique, la voix peut devenir un mode indirect de représentation de la personnalité. Les technologies numériques permettent aujourd’hui la complète désincarnation de l’expression individuelle. Dans le domaine des télécommunications, la notion de « proxy voice » désigne un masque qui cache l’identité de l’émetteur comme du receveur. Dans celui de la psychanalyse, ce terme désigne une technique d’emprunt de la voix du patient par le thérapeute, afin de dénouer des blocages. C’est ce phénomène troublant qu’explore l’artiste Anne Le Troter, en s’intéressant aux témoignages des clients d’une banque de sperme. Dans une chorégraphie vocale, elle met en scène le détachement qui s’opère entre le corps et sa voix enregistrée, médiée par une plateforme en ligne. Les stéréotypes que l’on retrouve d’une personne à l’autre créent une sorte de rime, au point que l’on se demande qui parle à travers ces désirs individuels étonnamment homogènes.
